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Et demain, l'espace ?


Longtemps chasse gardée des superpuissances, la conquête spatiale a été lancée en 1957 dans le contexte de la rivalité entre les deux blocs qui s’opposaient pendant la « guerre froide ». Depuis, la donne a changé. En janvier 2019, le régime de Pékin annonçait que l’atterrisseur chinois « Chang’e 4 » avait réussi le premier alunissage sur la face cachée de la Lune. Un lieu de fantasme depuis que l’Homme a tourné les yeux vers le ciel.

Douze ans après le début de la conquête de l’espace, le 21 juillet 1969, le premier homme marchait sur la Lune. Pendant ce temps-là, sur Terre, dans la Péninsule arabique, les Emirats Arabes Unis connaissent un vent de changement politique et seront constitués en Etat deux ans plus tard, soit en 1971. C’est pourtant de ce petit état désertique, 48 ans plus tard, en 2019, que partira le programme dont fait partie l’émirati Hazza el Mansouri, docteur en technologie de l’information et pilote militaire, pour devenir le troisième ressortissant d’un pays arabe à voyager dans l’espace. Il séjournera dans la Station spatiale internationale et effectuera (ISS), pendant les études qu’il mènera, en orbitant plus de 100 fois le tour de la Terre. Le jeune Etat qui fête ses 50 ans en 2021 prévoit aussi la mise en orbite d’un satellite autour de la planète Mars. Un petit Etat qui n’existait pas lorsque le premier homme a posé le pied sur la Lune, mais qui a déjà envoyé 10 satellites dans l’espace. Le dernier a été conçu sur son territoire avant d’être mis sur orbite par un lanceur japonais.





Pourquoi une activité spatiale ?


Comparaison n’est pas raison, mais le parallèle peut être fait avec certains débats du passé. Née dans l’Espagne du 16e siècle la suite de la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb (1492), une controverse a opposé les officiels sur le sort à réserver à la population indigène. Le franciscain Cordoba avait prononcé en 1511 un sermon accusateur contre la colonisation. En 1550, Charles Quint et la papauté ont alors décidé d’ouvrir une controverse dite de « Valladolid ». Les questions posées lors de cette controverse peuvent s’appliquer à la conquête de l’espace de nos jours. Quelle attitude, quels comportements les acteurs publics et privés, les États et les entreprises, doivent adopter dans la course à la découverte, à la conquête voire à la colonisation de l’espace ? Qu’est ce qui éthiquement justifie de conquérir ces territoires lointains situés hors du berceau de l’humanité ? quelles sont les raisons et les motivations justifiant une activité spatiale ?


Ces questions sont loin d’être anodines et doivent être démocratisées. Car l’Homme a bel et bien établi une présence permanente dans l’espace. Ces étendues au-delà de l’atmosphère habitable ont déjà fait leur entrée dans la géographie de la Terre. En 1986, deux cosmonautes russes atteignent la station orbitale « Mir » et ouvrent à cette occasion le début de la présence durable de l’homme dans l’espace. Depuis 2001, la Station spatiale internationale est devenue un laboratoire scientifique comme on pourrait en trouver sur Terre, avec des scientifiques qui s’affairent à leurs expériences. Simplement, il s’agit d’un laboratoire qui orbite à plus de 400 kilomètres au-dessus de nos têtes et que l’on peut voir passer la nuit si le ciel est dégagé. Un laboratoire occupé en permanence par des astronautes qui y séjournent pour une durée de six mois à parfois plus d’un an et demi.


L’espace est un lieu de notre espèce, il est entré dans la géographie de la Terre comme pourraient l’être les océans. C’est un lieu de fantasmes où les utopies humaines et la science-fiction trouvent un terrain d’inspiration infini. Un espace à forts enjeux de prestige et de domination symbolique pour les puissances terrestres. Qui ne se souvient pas de l’envoi dans l’espace du premier spationaute chinois – après les Etats-Unis et la Russie, par l’Empire du milieu en 2003 ? On voit derrière la réussite des excursions hors de la Terre les résultats d’une réussite planétaire. Vecteur de prestige, l’espace est aussi à l’origine d’enjeux financiers conséquents. Et de synergies publiques-privées de grande envergure. La société de l’entrepreneur milliardaire américain Elon Musk « SpaceX » a bénéficié de marchés publics de la NASA et de l’US Air Force. Le gouvernement américain y a trouvé son compte car l’arrivée d’acteurs privés à réduit le coût du lancement de satellites. Un secteur dans lequel SpaceX est en concurrence directe avec le lanceur Arianespace, le premier accusant le second de « concurrence déloyale ». On le voit bien, l’espace est une histoire de gros sous mais aussi de rivalités bien terrestres.


Le Newspace


Cet engouement nouveau pour l’espace est né au cours des années 2000 qui ont vu émerger le mouvement du « Newspace » – littéralement « nouvel espace ». C’est une tendance à la fois technologique et scientifique qui a accompagné l’émergence d’acteurs privés notamment américains dans le monde spatial. Le groupe Blue Origin a été fondé par le patron d’Amazon Jeff Bezos. Ce dernier a annoncé vouloir bâtir des installations sur la Lune et y installer des salariés. Son groupe a notamment été le premier à concevoir et tester un lanceur de satellites réutilisable. Le groupe Virgin Galactic, du milliardaire Richard Branson, a pour objectif de commercialiser des vols pour les touristes de l’espace dans des vaisseaux à 110 kilomètres d’altitude – la convention internationale fixant la frontière de l’espace à 100 kilomètres d’altitude – pour 100 000 dollars le vol. En 2001, un millionnaire américain s’était offert un voyage touristique dans l’espace dans la Station spatiale internationale à bord d’une fusée russe « Soyouz », pour la modique somme de 20 millions de dollars. Dès 2020, la Station spatiale internationale est ouverte aux touristes de l’espace. Pour près de 60 millions de dollars aller-retour, des lanceurs privés comme SpaceX et Boeing permettront des séjours de 30 jours grâce à une capsule de leur conception. Lieu de loisirs, l’espace fait partie des destinations touristiques d’une élite mondiale même si dès aujourd’hui, en France, on peut gagner un voyage en apesanteur en écoutant la radio. On peut penser que ces vols seront démocratisés dans un futur pas si lointain. La Côte-d’Azur n’était-elle pas il y a deux siècles le lieu de villégiature d’hiver de la seule bourgeoisie britannique ?

Au-delà de ces vols touristiques au-dessus d’une altitude de 100 kilomètres, aucune distance ne semble devoir freiner la conquête de l’espace. L’humanité a fait atterrir une sonde destinée à explorer Titan, le plus gros satellite de la planète Saturne connue pour ses anneaux. La différence est qu’elle est située à 1,2 milliards de kilomètres de la Terre. La sonde « Voyager 1 », lancée il y a 40 ans, est déjà sortie du système solaire pour atteindre l’espace interstellaire. C’est inouï qu’un objet fabriqué par l’homme, un artifice, ait atteint une telle région. Après une course de plus de 20 milliards de kilomètres à une vitesse de 61 000 kilomètres par heure, soit 17 kilomètres par seconde, cette sonde est l’objet qui a atteint la distance la plus lointaine. Quand on pense qu’il y a 60 000 ans nos ancêtres peinaient à gagner l’Australie sur des radeaux et que nos grands-mères voyageaient à 40 ou 50 kilomètres à l’heure…


A qui appartient l'espace ?


Mais à qui appartient l’espace ? La propriété des objets célestes – astéroïdes, planètes, satellites, étoiles – pose question. La Lune fait l’objet de toutes les convoitises. Des Etats continuent de prévoir d’y envoyer des spationautes, comme la Chine. L’Empire du milieu a réussi en décembre 2020 à rapporter sur Terre des échantillons lunaires après une mission éclair de trois semaines, montant ainsi sur le podium des nations ayant réussi un tel exploit après les États-Unis et la Russie. Des entreprises souhaitent s’y installer durablement à l’instar d’« Amazon » qui prévoit d’y installer une base. La NASA[1]a quant à elle annoncé vouloir établir une base permanente sur la Lune, qui servira de relais à des astronautes pour explorer des planètes telles que Mars voire d’autres planètes du système solaire. L’agence américaine précise ses ambitions dans ses clips de promotion : « Nous sommes les pionniers, les navigateurs des étoiles. (…) Nous irons là où l’humanité ne s’est jamais rendue ».


Le principe en vigueur, qui est censé être partagé à l’échelle mondiale, est celui de la liberté et de la non-appropriation de l’espace et de ses objets. Mais les choses ne sont pas si simples. Des sociétés notamment américaines considèrent ouvertement que la question de la propriété ne se pose pas. Depuis la fin des années 1990 la société « Lunar Republic Society » basée à New York ou « Lunar Embassy » vendent, à des clients bien terrestres ceux-là, des parcelles de terrains lunaires. Ces entreprises fournissent par ailleurs à leurs clients des documents attestant de leur propriété, en contradiction totale avec le droit international. Car le droit de l’espace a ses références. Un traité international datant de 1967 stipulait déjà que « l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne [peuvent] faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d’utilisation ou d’occupation, ni par aucun autre moyen. » Un traité ratifié par 97 Etats et signé par 27 autres. Comme sur Terre, la pratique et la conquête de l’espace a fait évoluer le droit. Un Traité datant de 1979 stipule que l’exploitation de l’espace doit se faire « au bénéfice et dans l'intérêt de tous les pays. » Ce texte n’a cependant pas été signé par les trois plus grosses puissances spatiales que sont les Etats-Unis, la Russie ou la Chine. Enfin, le « SPACE Act »[2] adopté par les Etats-Unis en 2015 précise les enjeux de mainmise d’acteurs privés sur les vols spatiaux et sur l’exploitation des ressources, notamment minières. Il stipule que les « citoyens américains peuvent entreprendre l’exploration et l’exploitation commerciales des ressources spatiales. » Comme un texte prémonitoire à l’aventure de SpaceX, première société privée à avoir acheminé, sous l’égide de la Nasa, deux astronautes américains de la Floride à la Station spatiale internationale… Si cette loi précise que le pays n’affirme pas sa « souveraineté » ou ses « droits exclusifs » sur les corps célestes, il encadre de manière unilatérale les enjeux économiques privés et stabilise le cadre permettant à des firmes américaines de tirer des bénéfices de l’exploitation de l’espace. En 2017, l’Etat du Luxembourg accordait par une loi similaire à ses entreprises l’exploitation des matières premières de l’espace.


L’espace, c’est aussi un lieu de dissuasion et de confrontation des arsenaux militaires. Aucune opération militaire de grande envergure ne peut être conçue et opérée sans le concours de l’espace. C’est une composante de premier plan des activités militaires et de renseignement. Les satellites sont les outils incontournables des opérations armées : informations, écoutes, images, localisation, cartographie, communication, navigation des engins militaires, guidage des missiles… cette dépendance à l’espace pose la question de la protection des satellites contre les atteintes hostiles provenant de puissances adverses, la sécurité des stations de réception au sol, le piratage et le détournement par des groupes terroristes de satellites militaires ou civils. Elle pose plus fondamentalement la question de l’utilisation pacifique de l’espace. Au cours des années 2007 et 2008, la Chine puis les Etats-Unis se sont livrés à des exercices de destruction de satellites inutilisés par des missiles tirés depuis le sol ou des bâtiments de guerre. Au-delà du soutien des opérations au sol et de l’atteinte de cibles en orbite, l’utilisation de l’espace comme moyen d’atteindre des cibles terrestres par des armes létales, développements industriels que l’on désigne sous l’expression « arsenalisation de l’espace », n’est pas de la science-fiction.


Une civilisation de voyageurs de l'espace


« L’humanité doit devenir une civilisation de voyageurs de l’espace. » C’est une déclaration d’Elon Musk – datant de décembre 2020 après le succès du lanceur Falcon-9 – du sulfureux et célèbre patron de Tesla à la tête de la société SpaceX en contrat avec la NASA.

Certes, la formule est aussi commerciale. Mais en levant la tête, les hommes politiques et les philosophes apercevront l’une des nouvelles frontières de l’humanité, celle de l’espace, qui n’est plus qu’un rêve ou une fantaisie. Un espace inclus dans la géographie physique et humaine. Une extension moderne des marches de l’œcoumène qui n’a plus rien d’anormal. Un territoire qui n’en est pas un mais dont les enjeux doivent faire leur entrée dans le champ classique des sciences sociales, être enseignés, questionnés, débattus publiquement. Notre monde – même si c’est pour l’instant marginal vu le nombre de personnes concernées – ne se résume plus à la Terre. L’espace est un continent comme un autre pour les télécommunications, et comme nous l’avons pour vu la géopolitique et la stratégie militaire. Des rovers circulent déjà sur la planète Mars, ces robots mobiles qui étudient la nature des sols et de l’atmosphère et qui sont capables de nous apporter des informations précieuses dans le rôle joué par l’eau dans la dynamique de l’astre rouge. C’est d’ailleurs un émerveillement de voir les photos de très haute résolution d’un autre monde qu’ils nous envoient. Deux robots se sont déjà posés sur mars. La dernière mission d’envoi d’un robot, « Insigth », a coûté 993 millions de dollars. La mission de 2020 devra étudier entre autres l’habitabilité de Mars.

La conquête de la planète Mars est l’étape d’après notre satellite naturel. Pour Elon Musk, l’Homme devrait poser le pied sur cette planète dès 2025, avec des vols interplanétaires de plusieurs dizaines de personnes grâce à un nouveau lanceur de grosse capacité. Un lanceur qui sera par ailleurs en mesure de bouleverser la relation de l’espace au temps dans les voyages terrestres, en permettant de relier deux points de la planète en une heure seulement. La société privée « SpaceX » à la conquête de Mars, c’est le symbole d’une audace. Mais pas seulement car le mot « colonisation » a été employé. Entendez par là une installation humaine permanente avec une exploitation et une valorisation des ressources. S’il s’agissait seulement de l’ambition d’un entrepreneur milliardaire, cela pourrait rester de l’ordre de l’anecdote. Mais les liens entre les lanceurs privés et le gouvernement des Etats-Unis que nous avons déjà soulignés sont bien réels, et les sommes en jeu sont considérables. L’ancien président des Etats-Unis Donald Trump a annoncé vouloir quant à lui lancer la première mission humaine martienne en 2033. Il s’agira, dans un premier temps, de mises en orbite autour de Mars. 120,6 milliards de dollars sont estimés pour le coût de cette mission, dont 33,7 ont déjà été dépensés. Au total, ce sont plus de 217 milliards de dollars qui seront engagés pour la réalisation de ces vols spatiaux. Cela représente les trois quarts du budget de l’Etat français pour l’année 2018. Là encore, ce n’est pas de la science-fiction quand on sait que le programme Apollo auquel les Etats-Unis ont mis fin en 1972 a coûté 200 milliards de dollars. Les défis sont encore immenses au-delà des enjeux budgétaires. La NASA estime que l’homme marchera sur Mars dans 25 ans, autour de 2040. Mais pour y arriver, il faudra des missions longues, avec un voyage de neufs mois dans l’espace, et une mission d’une année sur place. Un périple qui laissera des séquelles sur les corps. Les radiations solaires sont un immense danger tout comme l’apesanteur qui provoque une atrophie des os.


Premier arrivé, premier servi ?


La philosophie politique et morale doit se pencher sur les questions éthiques que pose notre relation à l’espace et les traduire sur le plan politique. La pollution de cet environnement qui était resté vierge de toute action humaine pose question. En une quarantaine d’année, plus de 4 000 engins ont été expédiés dans l’espace. Satellites, sondes, vaisseaux spatiaux...[3] L’espace proche de notre atmosphère grouille d’objets « perdus » et de débris générés par la mise en orbite de satellites ou d’autres engins spatiaux. On peut par exemple y retrouver des étages supérieurs de fusées non vidangés. Au total, à ce jour, 2400 satellites sont toujours en orbite, et les trois quarts d’entre eux ne sont plus en activité. La question se pose donc d’abord de la limitation de la production de nouveaux déchets et du traitement des déchets en orbite autour de la Terre qui se chiffrent déjà en millions.

En second lieu, il est un sujet qui anime tous les stratèges qui est celui des ressources de l’espace. Les comètes, astéroïdes et météorites contiennent des métaux, des « terres rares », de l’eau, des gaz qui pourraient venir à manquer sur notre planète. Ils constituent également des moyens de réapprovisionner nos satellites en carburant pour allonger leur durée de vie. Ces nouvelles ressources sont désormais accessibles à l’Homme. On estime à 14 000 le nombre d’objets célestes qui gravitent autour de la Terre et qui sont à notre portée. 1 400 d’entre eux nous sont accessibles. L’ingénieur Peter Diamandis recommande au monde économique de partir à l’assaut des astéroïdes le plus tôt possible pour y dénicher des matériaux rares : « un jour, les leaders politiques vont se réveiller et ce sera trop tard. Il faut les devancer. Je crois bien plus au pouvoir des entrepreneurs qu’à celui des hommes politiques, et même de la politique tout court.[4] » Difficile de ne pas y déceler une certaine lucidité sur la faible réactivité des politiques sur les enjeux spatiaux vis-à-vis du secteur privé, et sur l’accélération de l’emprise de la technologie sur la vie humaine et sur le caractère très sérieux et imminent de la question de l’exploitation et de la répartition des ressources de l’espace. Une nouvelle ruée vers l’or spatiale qui rappelle l’adage « premier arrivé, premier servi. » En contradiction avec la notion de patrimoine de l’humanité défendue par les premières conventions sur l’espace.


Une autre question éthique qui émerge de la conquête de l’espace a trait aux thèses transhumanistes défendues par les acteurs privés. La foi dans la technique sans limite comme pourvoyeur de plus de bien-être et de conditions améliorées de l’existence humaine n’est pas loi. Si le salut de l’humanité passe par le progrès technologique et par notre capacité à donner à l’homme de prendre ses libertés vis-à-vis de son creuset génétique qui est la Terre, qui y aura droit ? Seulement une élite milliardaire ? Dans ces conditions, la conquête de l’espace, de ses ressources et notre capacité à prolonger l’existence de l’humanité ailleurs, dans le système solaire, ne serait-elle pas antihumaniste ? N’y aurait-il pas dans les vols réservés à une élite fortunée et dans la conception transhumaniste de la conquête spatiale une nouvelle forme d’eugénisme ?

Enfin, la Terre est un écosystème fermé. Malgré les échanges gazeux, électromagnétiques ainsi que les 100 millions de météorites qui traversent chaque jour notre atmosphère, les échanges caloriques avec le rayonnement et la lumière solaires, ses émissions liées à l’activité humaine sont limitées à son intérieur. On pense que l’on a maîtrisé durablement le feu depuis 500 000 ans. Depuis près de 6000 ans, l’homme sait extraire de manière organisée et industrielle des ressources naturelles pour sa survie et son développement. Qui sait les conséquences de l’importation des découvertes spatiales sur Terre ? L’Agence spatiale européenne et la NASA prennent ce sujet très au sérieux à tel point que des services sont chargés d’éviter la contamination de l’espace par la Terre et de la Terre par l’espace. Ce sujet est j’en suis certain d’autant plus sensible que notre vulnérabilité à la covid-19 a rappelé l’actualité de notre fragilité vis-à-vis des virus, de l’infiniment petit. La vie et ses équilibres sont fragiles, tout comme notre civilisation. Les minerais rares ou nouveaux pourraient bien provoquer des bons technologiques que nous n’estimons pas encore. A l’instar de l’invention de la machine à vapeur ou de la généralisation de l’usage de l’électricité. Et si la nouvelle révolution industrielle venait de l’espace ? Enfin, et là il s’agit de l’avenir de notre seul et unique berceau qui est la Terre. Si nous nous orientons vers la conquête de nouvelles matières premières qui seront transformées et consommées sur Terre, nous amplifierons encore l’entropie, c’est-à-dire la désorganisation et la perte de diversité et de complexité qui a permis le formidable et unique processus d’émergence et de maintien du vivant. Aller chercher plus d’or, de platine, d’hydrocarbures dans l’espace confirmerait que l’espèce humaine ne conçoit son développement que dans l’accumulation et par un modèle d’économie prédatrice et consommatrice de matières premières. Au détriment de notre propre humus : notre planète.


Des moyens faramineux sont dépensés dans la conquête de l’espace. Chaque année, ce sont 60 milliards d’euros de crédits publics qui sont dépensés dans des programmes spatiaux. Alors pourquoi ne pas investir autant dans les moyens de nouveaux modèles de croissance qui pourront concilier la croissance démographique mondiale et l’avenir de notre planète ?




[1] National Aeronautics and Space Administration, l’agence gouvernementale en charge du programme spatial des Etats-Unis. [2] Spurring Private Aerospace Competitiveness and Entrepreneurship Act of 2015 [3] Arnould Jacques, 2001, La seconde chance d’Icare. Pour une éthique de l’espace, Paris, Cerf, 2001. [4] « A Palo Alto, au royaume des radieux », in Libération, 9 janvier 2017.

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