A quoi sert-il de dialoguer ?
- Karim Bouhassoun
- 30 sept.
- 3 min de lecture
Le pouvoir du dialogue
Qu’est-ce que le dialogue ? Le philosophe Schopenhauer écrivait dans son ouvrage L’art d’avoir toujours raison que « ce qui importe, ce n’est pas la vérité mais la victoire. » Le dialogue, c’est l’opposé.
Le dialogue est un d’abord un mode de communication qui implique deux ou plusieurs personnes ou groupes de personne. Il diffère en cela de la communication distante. Comme lorsqu’une personne anime seule une émission de radio, ou bien qu’on envoie un courrier par la voie postale. Je suis en train de vous parler, mais il n’y a pas de dialogue entre nous. Le dialogue n’est pas une discussion et encore moins un bavardage.

"Être présent" à son interlocuteur
Le dialogue nécessite une forme de présence (ou un semblant de présence car on peut avoir un dialogue au téléphone ou en visio), et plusieurs personnes donc. Au-delà de la forme, c’est l’impact du dialogue qu’il est utile d’étudier en philosophie. Car dialoguer, c’est transformer.
Il contient en lui une dimension optimiste et positive. Il maintient ou rassérène des liens, et parfois est le moyen incontournable pour éviter la guerre ou obtenir la paix. Le dialogue implique discernement, raison, sagesse. Le prérequis du dialogue est qu’il contribue au progrès de l’esprit et de la société humaine.
Le dialogue est donc tout sauf une forme banale d’expression ou un style littéraire. Il est chargé de sens. Son étymologie (l’étymologie est la science de l’origine des mots) provient du grec « diálogos », composé de « dia » qui peut être traduit par « au travers de » et « lógos » qui peut désigner « parole » ou « raison. » Le dialogue, c’est le media à travers lequel s’épanouit la raison.
Un outil de transformation
C’est aussi un moyen de faire émerger des idées et de convaincre dans le respect de l’interlocuteur, comme la fameuse maïeutique de la Grèce classique, qui consiste à faire accoucher l’âme de la vérité. Appelant écoute équilibrée et équitable des deux parties, le dialogue est la méthode de travail du philosophe Socrate. L’exposition des idées dans l’échange avec un ou plusieurs contradicteurs donne le jour à une raison commune.
Le dialogue, c’est la transformation donc, mais aussi la concorde. Il entretient les liens. Loi des joutes oratoires où il faudrait l’emporter. Loin du théâtre de notre Assemblée nationale qui est censée être le lieu suprême du dialogue politique mais qui abrite sur fond de crise politique un « dialogue de sourds. » Et qui peut prétendre que le « dialogue social » entre le Gouvernement et les syndicats de ces derniers jours n’est pas un rapport de force plutôt qu’une entente cordiale ?
L'idéal du dialogue, c'est l’amitié
Le vrai dialogue génère la paix là où il y a du conflit. Sans dialogue, pas de négociation.
Dans les « pourparlers » de paix, le prérequis du dialogue est vital. La volonté de dialoguer fait de la reconnaissance de l’autre la première étape avant le compromis. C’est un antécédent direct de la transformation d’adversaires en partenaires, pourvu qu’on laisse les sophismes et nos susceptibilités à la porte. Le dialogue sérieux, c’est un questionnement rigoureux destiné à livrer au jour ou à mettre à nu la pensée de l’autre. Pour cela, il ne faut pas avoir de problèmes d’égo. En effet, les pouvoirs du dialogue sont inopérants si on ne laisse pas de place à l’humilité et au doute. Plus que tout, le dialogue est le terrain de la « Philia », l’amitié, du cheminement vers l’autre, en assumant le choix rationnel de constituer, avec le ou les interlocuteurs, une communauté de recherche dans la paix.
Retrouvez ici l'article de Karim Bouhassoun "Soyons philosophes", le nouvel essai de Karim Bouhassoun sur le site du journal l'Est Républicain







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