Savoir et pouvoir
- Karim Bouhassoun
- 16 oct. 2023
- 2 min de lecture
Les philosophes ne sont pas les détenteurs du savoir. Mais les étudier permet de comprendre pourquoi le pouvoir et la connaissance sont indissociables. La curiosité intellectuelle offre la possibilité de mettre un certain nombre de notions à l’épreuve du monde. Avant de mettre le monde à l’épreuve de ses idées.

C’est ce que Thomas Hobbes défend : le pouvoir politique doit s’appuyer sur le savoir. Tout comme Francis Bacon qui avançait la thèse selon laquelle le savoir procure du pouvoir : « Le savoir lui-même est pouvoir ». De la pensée d’Ancien régime à la pensée post-moderne, on retrouve le même questionnement sur le rapport entre savoir et pouvoir. Pour Michel Foucault, la frontière entre le normal et l’anormal est une construction contingente. Un instrument de pouvoir comme un autre. On peut faire une enquête et retracer la construction historique de ce qui les sépare. C’est donc que le savoir est le produit de l’influence politique dans la définition de la norme et de l’exception. Le savoir est un produit du pouvoir, et les rapports de pouvoir se sont exprimés dans l’histoire comme des rapports de savoir.
Certaines « vérités » qui nous sont parvenues sont des preuves qu’elles ont entériné des rapports de force contingents. Pensez au pauvre astronomie Galilée qui a échoué à inscrire dans les consciences des théologiens de l’Eglise une écriture mathématique de l’Univers. C’est pour cela que la source de la connaissance elle-même doit être questionnée constamment. C’est le propre de l’esprit critique. Comme nous le rappelle Friedrich Nietzsche, toute forme de « vérité » porte en elle la marque idéologique du pouvoir qui l’a imposée[1], que ce soient les vérités « morales » ou bien encore les descriptions du monde des sciences dites « positives ».
A l’heure où la connaissance circule à toute vitesse et où elle est souvent confondue avec l’opinion, comment prémunir le pouvoir du « faux savoir » ? Oui, à notre époque, l’information est partout et instantanée. 7 milliards de téléphones mobiles circulent dans le monde. L’espace est truffé de satellites et notre planète est criblée d’antennes relais. La boulimie de « buzz » et la cacophonie médiatique aggravent les phénomènes de gouvernance par l’émotion. Qu’est ce qui doit être tenu pour vrai ? C’est une question sans réponse. Ou peut-être n’est-ce pas la bonne question. Le vertige de La naissance de la tragédie de Nietzsche est toujours vivace.
« La volonté du vrai, qui nous entraînera encore dans nombre d’entreprises périlleuses, cette célèbre véracité dont jusqu’ici tous les philosophes ont parlé avec vénération, que de problèmes nous a-t-elle déjà posés ! Quels étranges et graves problèmes, pleins d’équivoques ! (…) Le problème de la valeur de la vérité s’est dressé devant nous, – ou est-ce nous qui l’avons rencontré sur notre chemin ? Qui de nous est Œdipe, ici ? Qui est sphinx ? C’est là, semble-t-il, un nœud de questions et de points d’interrogation. »
[1] Nietzsche (Friedrich), Par-delà bien et mal, Gallimard, Paris, 1999.
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