Renouer avec le récit politique
- Karim Bouhassoun
- 31 août 2022
- 2 min de lecture
Le consumérisme, qui n’épargne pas la politique, se caractérise par l’instabilité du système dont il dépend. Et plus particulièrement de la volatilité de l’offre et de la demande. Ce qui est valable en économie de marché et notamment pour les spéculateurs n’est évidemment pas valable en politique.
Pourtant, l’offre politique contemporaine s’est laissé prendre au piège des fluctuations. Elle évolue parfois sur la base de sondages commandés à des instituts qui en ont fait un centre de profit. Décortiqués, ces sondages inspirent l’écriture de programmes ou « d’éléments de langage » sur la base de cet instantané de l’opinion. D’un autre côté, des formations politiques nouvelles, partisanes ou non, qui ont su bâtir un discours et des alliances stratégiques prouvent qu’il est possible d’attirer les suffrages en bouleversant l’offre politique établie. Mais ce n’est pas parce que dans certains cas cela fonctionne que notre pays s’en porte mieux. Cela épuise plutôt, me semble-t-il, les dernières ressources que la démocratie peut offrir à la politique. « La passion aveugle les amants et leur montre des perfections qui n’existent pas » écrivait Lucrèce, poète du premier siècle avant notre ère, élève d’Épicure et adepte de sa « philosophie du jardin », ainsi qu’auteur du célèbre De la nature des choses.
Considérer la société comme une fin
Élaborer un récit et le rendre réel nécessite de tenir sa parole en évitant les promesses de réformes pour les réformes. Car elles ne sont pas un cap à elles seules. Elles ne sont qu’un outil commode pour transformer les équilibres sociaux dans le sens du bien-être du plus grand nombre. Rien de plus. Le récit est quant à lui le gage que le politique considère la société comme une fin en soi et non pas comme un moyen. Car on ne peut se permettre d’accepter que l’action publique n’ait qu’une dimension instrumentale. Le procéduralisme froid, purement formel, qui repose sur des méthodes, des manières de penser, ce n’est pas de la politique mais plutôt de la formule.
Réformer n’est pas seulement un programme politique. S’en tenir à cela signifierait que nous sommes dans une société sans règle où toute action se vaut. Sans que la priorité ne soit mesurée et sans que l’assentiment des citoyens ne soit constamment désiré. « Le menteur est certes coupable, mais coupable aussi celui qui croit le menteur qui aurait pu se douter qu’il mentait » (Onfray, Michel, La parole au peuple, Editions de l’aube, Paris, 2017).
Retrouvez en ligne Soyons philosophes, l'ouvrage de Karim Bouhassoun paru en 2021 chez L'Harmattan.

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