Qu'est ce qui est normal ?

Le normal est-il le juste milieu ? Faut-il pour autant considérer le normal comme bon ? Si ce que la norme impose est une loi, pourquoi y a-t-il des choses normales qui ne sont pas obligatoires ?

Car le mot normal est piégeux. Il peut être faussement assimilé à la notion de bon et de juste.

Normal serait un synonyme atténué de bon et de juste. L'ordre normal des choses subordonnerait donc le nécessaire au superflu. Donc le terme normal au sens le plus usuel du terme décris ce qui se concentre dans la majorité des cas d'une espèce déterminée. En somme, c'est une espèce de moyenne. On parle de température normale. De tarif normal, ou d’état médical normal,etc…

Pour le célèbre sociologue Emile Durkheim, un fait social normal est un type social déterminé considéré à une phase déterminée de son développement quand il se produit dans la moyenne des sociétés de cette espèce. C’est ce qu’il nous précise dans ses Règles de la méthode sociologique.

Doit-on considérer que ce qui est normal doit être considéré comme acceptable ? C'est là toute l'ambivalence du terme qui est questionné et de l'usage qu'on fait de la normalité. Car en effet normal désigne tantôt un fait possible à constater scientifiquement, tantôt une valeur attribuée à ce fait par celui qui parle en vertu d'un jugement d'appréciation qu'il prend à son compte.

C'est souvent pendant les périodes de crise qu'on fait appel à la notion de normalité pour justifier l'injustifiable. Et c’est là que la philosophie, en mobilisant la nuance, nous alerte. En nous rappelant que les totalitarismes ont mobilisé la norme pour déshumaniser. Serait-il normal de justifier que l'on prenne en otage ou que l'on punisse des populations civiles pour se venger ? Invoquer le « normal », c’est renoncer à penser parce que « tout le monde le fait ». L’opinion publique est tentée d’ériger en justification morale et à généraliser des positions sans fondement. Jusqu’à la persécution. La synonymie de normal avec « habituel » est à bannir, tout comme il est périlleux d’associer ce qui est normal à ce qui est juste. Une fois n’est pas coutume, chers auditeurs, je me laisse tenter à une maxime moraliste :  il faut se méfier de ce qui est « normal », car la disposition commune à l’imitation et à l’absence de critique favorise des équivoques qui peuvent devenir meurtrières.

Retrouvez ici les articles et tribunes de Karim Bouhassoun sur le site internet factuel.info