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Prendre soin de nos aînés

Vivre plus longtemps pour vivre mieux


L’augmentation de la durée de vie pose au politique la question de l’adaptation d’un monde qui ne l’est pas à cette évolution biologique. Aujourd’hui, les politiques et l’action publiques ne sont pas au rendez-vous d’un vieillissement digne car le très grand âge est invisible et relégué. Avant même l’hécatombe causée par le covid-19 dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, largement liée à un manque d’anticipation et de moyens, les inégalités d’âge et sociale étaient responsables d’une inégalité devant la précarité de la santé. L’usure des corps est inégale selon les classes sociales et les retraites misérables sont là pour aggraver beaucoup de cas. La priorité des décideurs, ce doit être de réguler la répartition des revenus pour gommer les inégalités de niveaux de retraite. D’assurer l’autonomie en finançant la recherche et sa prise en charge. En misant sur tout ce qui peut rasséréner le lien humain là où il est défaillant en commençant par la présence humaine et en faisant de la lutte contre l’isolement une cause politique, et non plus seulement morale ou privée.


Repenser les villes et les campagnes


Cet isolement il est aussi le fait de l’éclatement du bâti dans les milieux ruraux et d’un urbanisme totalement inadapté à nos aînés. C’est déjà difficile pour une famille d’évoluer dans une grande ville labourée par des boulevards où la voiture est reine. Pour des personnes très âgées, cela devient impossible. L’urbanisme doit être repensé pour être vivable : il nous faut une nouvelle Charte d’Athènes. Le 4e Congrès international d’architecture moderne avait abouti en 1931, sous l’égide de Le Corbusier, à cette charte qui a dessiné les repères de la « ville fonctionnelle » telle que nous la connaissons. Une nouvelle charte dès à présent car la situation va empirer. Dans 29 ans, en 2050, nous serions 70 millions de Français, et un habitant sur trois serait âgé de 60 ans et plus, contre un habitant sur cinq en 2005. Un tiers des Français sera donc un sénior et plus. Il faut à tout prix éviter la guerre des générations mais plutôt prendre dès à présent en considération le fait que la ville sera partagée, en proportion, par de moins en moins d’actifs. L’accessibilité totale de nos villes aux personnes à mobilité réduite doit nous mobiliser autant que toute autre cause comme la lutte contre le décrochage scolaire, sécurité publique ou encore l’égalité homme-femme. L’espérance de vie à la naissance, qui est de 79 ans pour les hommes et de 85 ans pour les femmes va passer respectivement à 90 et 93 en 2070. Ce n’est pas tout. En 2019, en France, 2,7 millions de personnes souffrent d’au moins une « limitation fonctionnelle » (voir : L’œil du CESE, juillet 2018, « Vieillissement : l’autonomie, clé de la santé », Conseil économique, Social et Environnemental).


Retrouvez les publications de Karim Bouhassoun et notamment son dernier essai "Soyons philosophes" sur le site Decitre


Faire de la ville un lieu pour tous


Doit-on écarter les aînés de la ville comme nous le faisons, ou faire de la ville ce lieu de tous, pour tous ? Ce point-là est fondamental pour notre civilisation. Une société de l’égalité doit favoriser l’inclusion en faisant du lieu de vie un espace prioritaire sur les lieux médicalisés pour les personnes très âgées ou souffrant d’un handicap moteur. Cela doit être bien clair, il ne s’agit pas d’un accompagnement vers la mort, mais bel et bien d’une adaptation aux conditions d’une vie différente de celle d’un jeune, d’un actif, d’un jeune retraité. Il s’agit de refuser que le temps de vie dans lequel se trouvent les personnes très âgées soit conçu comme une charge. Les boulevards, les places, les parcours sportifs, les salles de théâtre ou de cinéma par exemple, ne sont pas ou peu conçus pour ces personnes. C’est pour cela qu’on ne les y voit pas ou peu. C’est pour cela que c’est une injustice. Des pans entiers de la population sont encore dans notre monde, mais hors du monde. C’est pourquoi la lutte contre le cloisonnement et la relégation sociale du très grand âge doit devenir une question publique de premier plan en quittant les écrits utopistes et en se décliner en actions. Il est possible de faire en sorte que des personnes âgées qui sont aujourd’hui invisibilisées vivent sur le même site que des enfants, des adolescents, des jeunes ou des adultes. On n’a en effet pas tout essayé pour de nouveaux modes de vie entre les différents âges. Un quart des personnes en situation d’isolement relationnel a plus de 75 ans. Cela augmente la perte d’autonomie et contribue au renoncement aux soins. Ce qui rend le grand âge insupportable. Comment l’accepter ?


La négation sociale du très grand âge doit cesser.


Aider nos aînés à trouver toute leur place dans ce monde dont ils sont partie est donc, à nouveau, une question morale et doit devenir une question politique. La relégation qu’ils subissent plutôt qu’ils ne choisissent est perçue par le reste de la société et s’exprime à travers le terme pudique de l’« intergénérationnel. » Aujourd’hui, 63% des Français estiment que les relations intergénérationnelles sont moins fortes qu’il y a 20 ans. L’urbanisme doit être complété par un soutien au développement de l’habitat intergénérationnel. Dans les villes étudiantes en premier lieu, où personnes en perte d’autonomie, familles et étudiants pourraient partager les mêmes immeubles, voire les mêmes locations. Cela se fait déjà chez nos voisins suisses et dans les pays scandinaves. En parallèle, les effets de la perte d’autonomie peuvent être réduits par le métier des aidants à domicile. Réalisé par un personnel aidant qui doit subir des salaires bas et des contraintes fortes avec la parcellisation du temps et l’éclatement des lieux de travail, notamment en milieu rural, ce secteur doit être accompagné ou s’effondrer. Les dispositifs régionaux de soutien financier pour la formation des personnels des associations d’aide à domicile, comme ils existent en Bourgogne - Franche-Comté de manière volontariste, doivent être généralisés à toute la France. Car ils rendent un véritable service public local. Ces aides augmentent la qualification des aidants, renforcent la qualité de vie des personnes dépendantes maintenues à domicile et créent des emplois en ville et à la campagne.





 
 
 

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