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La mondialisation comme opportunité

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La mondialisation a mauvaise presse...


L’Union européenne est au carrefour de la problématique de la mondialisation. Une mondialisation économique et politique complexes car n’avançant pas au même rythme. Une mondialisation vécue inégalement et créatrice de tensions.


De nos jours, la mondialisation est un phénomène aux conséquences contradictoires. Elle permet d’entrevoir de formidables opportunités pour la paix et la prospérité mondiale, mais elle considérée sur le terrain des économies développées comme la cause d’une relégation. Seuls 21% des Français considèrent que l’action de l’Union européenne les protège des effets de la mondialisation. Ils sont 42% à penser que l’Europe a une « action négative » en ce qui concerne la protection face aux effets de la mondialisation[1].


Concurrence des pays à faible coût de main d’œuvre, fermetures d’usines liées au transfert d’emplois industriels à l’étranger qui en résultent et qui font la « Une » des médias, salariés faisant les frais des décisions d’actionnaires obnubilés par le profit… C’est ce qui vient à l’esprit quand on parle de mondialisation.


Or, il n’est pourtant pas parfaitement établi que la désindustrialisation rampante de notre économie soit liée à la mondialisation. Entre 1980 et 2007, ce sont près de deux millions d’emplois industriels que la France a perdu. Une étude de la Direction générale du Trésor relève que 15 % à 20 % des emplois supprimés seraient imputables aux délocalisations. C’est principalement le progrès technique et les gains de productivité qu’il permet qui détruisent une grande partie des emplois industriels. Ils ont contribué à 30% de la perte d’emplois industriels depuis 1980. On peut au demeurant faire remonter aux effets du premier choc pétrolier en 1973 la contraction de l’emploi industriel qui s’est réduit de 40 % sur la période.[2]


Cela étant, la défiance envers la mondialisation et le monde extérieur progressent lentement mais surement. 51% des Français considèrent que la mondialisation n’est pas une opportunité pour la France et 59% estiment que la France doit se protéger davantage du monde d’aujourd’hui.[3] Les études et sondages relèvent que ce sont par ailleurs et sans surprise les catégories populaires qui sont les plus hostiles à la mondialisation. Une mondialisation du plurilinguisme, du diplôme, de la mobilité, qui séduit les cadres et angoisse les ouvriers et les chômeurs et les « outsiders ».


...mais elle est pourtant une opportunité


Qu’est-ce que cette mondialisation qui rebat les cartes des richesses, des innovations, de la localisation des centres et les logiques de flux ? Et qui génère au passage tant de fantasmes ? Quelle place doit prendre l’Europe dans la régulation des nouvelles donnes mondiales ? La mondialisation des conflits date déjà de la fin du 19e siècle. La crise bancaire de mai 1873 et la « Grande dépression » ainsi que le dépeçage de la Chine ont démontré l’interdépendance des intérêts des grandes puissances. Et, déjà, les vulnérabilités systémiques ainsi que l’existence d’une viralité mondiale des conflits. Pour certains, cette mondialisation est beaucoup plus ancienne. Des spécialistes de politique comparée la feraient dater de plusieurs siècles, en la faisant remonter à 1492, année où Grenade vit l’entrée des rois catholiques en son sein et de la découverte des Bahamas par Christophe Colomb. Ces évènements faisant figure de prémices inédits d’une nouvelle aventure humaine mondiale.

La mondialisation telle que nous l’entendons, c’est un processus d’ouverture croissante et continue des économies nationales occasionnant une intensification des échanges de biens et de services. Ce phénomène redéfinit les frontières des Etats et transfigure les règles de marché qui s’étaient établies pendant des siècles à toutes les échelles de l’activité économique. La mondialisation renforce l’interdépendance des économies. Les flux croisés de diverses natures s’interconnectent : flux commerciaux et financiers, flux de production, flux migratoires, flux d’information.


Cette mondialisation est un état de fait. Pour l’astronome Dominique Simonnet, nous avons inventé un « macro-organisme planétaire, qui englobe le monde vivant et les productions humaines, qui évolue lui aussi et dont nous serions les cellules. » Mais comment en faire une opportunité ? Accords commerciaux, nouvelles technologies, intégration régionale provoquent un bon inédit de l’économie mondiale et une transformation de notre rapport au temps et à l’espace. Mais ce n’est pas en tant que tel le choix résultant d’un projet moral. L’enjeu et l’intérêt de la mondialisation telle que nous la connaissons, c’est de la conceptualiser pour y imprimer notre vision du monde. Et cela afin de la réguler et d’en faire une opportunité pour une meilleure gouvernance locale, nationale et mondiale. La baisse des prix des matières premières provoquée par l’ouverture des marchés doit profiter au consommateur et générer des emplois. L’instantanéité de l’information doit permettre de prendre connaissance et conscience des enjeux de sécurité mondiaux pour contrer les risques terroristes et trahir devant la justice les tyrans, les criminels de guerre et les narcotrafiquants. La transmission rapide des connaissances doit, par exemple, permettre d’équilibrer les avantages du progrès technique au profit des projets de développement des pays les moins riches. Une mondialisation qui augmente le pouvoir d’achat, qui permet de vivre dans un monde plus sûr, où le transfert de technologies contribue à protéger œcoumène, où la justice et la vie en bonne santé gagent du terrain, c’est cela la mondialisation comme opportunité.


Choisir le camp des insiders


Cette mondialisation comme opportunité doit orienter les régulations mondiales pour bâtir un bouclier face aux catastrophes et notre capacité à construire un monde meilleur fait de répartition plus équitable des richesses. Nous avons tous conscience des grands défis qui sont lancés à l’humanité. La mondialisation n’en est pas la cause mais pourrait bien constituer un avantage si on sait mieux l’exploiter.


Regardons du côté du réchauffement climatique d’abord, avec la multiplication des phénomènes extrêmes comme les cyclones, tempêtes, canicules ou sécheresses. Mais encore les atteintes irréversibles à la biodiversité avec la disparition d’espèces, dont un million sont menacées par l’homme avec un quart des vertébrés, invertébrés et plantes qui sont menacés d’extinction. Les risques géopolitiques nouveaux et exacerbés ensuite, dans un contexte d’effritement du paradigme multilatéraliste, avec des frictions entre puissances nucléaires comme l’Inde et le Pakistan et les rivalités régionales comme celle opposant les pétromonarchies du Golfe à l’Iran et à ses alliés, ou bien encore le naufrage de démocraties dans le populisme alors qu’elles sont gouvernées par des dirigeants racistes, climatosceptiques et isolationnistes, alimentant le repli nationaliste des gouvernements « illibéraux » comme la Hongrie, le Venezuela ou encore le Brésil.


Les enjeux économiques sont au cœur de cette bataille pour mettre un projet moral au cœur de la mondialisation. Avec des inégalités croissantes entre les plus riches et les plus pauvres. Depuis 40 ans, les 1 % les plus riches ont profité deux fois plus de la croissance des revenus que les 50 % les plus pauvres. Dans le même temps, les revenus ont stagné ou baissé pour ceux des intervalles.[4] Les fractures digitales liées aux nouvelles technologies exacerbent elles aussi les écarts de niveau de vie entre insiders et outsiders, entre les pays riches et les pays pauvres, entre les urbains et les ruraux.


En France, 13 millions de personnes sont en très grande difficulté avec le numérique. Autant de dérèglements mondiaux qui si nous n’intervenons pas seront le prélude à des catastrophes nouvelles d’une intensité tout à la fois imprévisible et inédite. Si nous n’y prenons pas garde, nous serons tels les « somnambules » de l’historien britannique Christopher Clark qui a parfaitement décrit[5] dans son ouvrage les causes qui ont conduit les puissances mondiales au cataclysme de la Première guerre mondiale.

[1] Sondage IPSOS, « Fractures françaises », 2018. [2] Source : INSEE. [3] Sondage IPSOS, « Fractures françaises », 2018. [4] Source : Word inequality database ; https://wid.world/fr/accueil/ [5] Clark, Christopher, Les somnambules. Eté 1914 : comment l’Europe a marché vers la guerre, Paris, Flammarion, 2013.

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