Le politique comme philosophe

La philosophie au secours de la politique

Pourquoi la philosophie a un rôle particulier pour sauver la politique de ses travers ? Parce que la philosophie s’est intéressée à la nature du bon gouvernement et aux bons gouvernants depuis la nuit des temps. Parce qu’il existe des manuels pour tout. Et que les philosophes ont une tradition plusieurs fois millénaire de conseil aux politiques. Parce que les philosophes mettent leur énergie vitale à connaître les affaires humaines et métaphysiques, les origines et les causes de tous les faits. A travers les âges et les penseurs, ce terme a pris un sens différent. Pour Socrate (mort en 399 avant J.-C.), c’était « l’ami de la sagesse ». Pour Platon (mort en -348 à Athènes), le sens est beaucoup plus large car il inclut à la fois la logique, la physique et l’éthique. Au Moyen-Âge, le terme « philosophe » a pu être utilisé pour les alchimistes – d’où le terme pierre philosophale, lampe philosophique, etc. Le « philosophe » des Lumières, c’est plutôt l’hériter d’une tradition de pensée qui rassemble les partisans de la raison, du dialogue, de la tolérance face au christianisme et aux Pères de l’Eglise. Quoique cette distinction entre philosophie et théologie rationnelle ait aussi traversé le monde musulman médiéval à travers les figures d’Averroès (1126-1198) qui défendait une tentative de fonder l’accès à Dieu par la raison, et d’Al-Ghazali (1058-1111), à l’origine d’une école de pensée qui justifie les préceptes religieux sur la base du corpus théologique de l’Islam.

"L'ami de la sagesse"

Le philosophe contribue à la connaissance du monde en se reposant sur l’expérience et la raison. Ce n’est pas un sage avec une 73 longue barbe et une toge, ou un esprit retiré du monde. C’est littéralement « l’ami de la sagesse. » L’éthique occupe dans la philosophie une place centrale. Le degré de généralité de la philosophie fait la liberté du philosophe et sa capacité à dialoguer avec d’autres philosophes à travers le monde, et à travers les siècles. La rigueur de son travail lui permet d’établir et de confronter un ordre de connaissances au réel. Il est anxieux vis-à-vis du monde. C’est un de ses moteurs. C’est peut-être le terme « Unheimlich » de la littérature allemande traduit en Français par « inquiétante étrangeté » et repris par Sigmund Freud qui résume le mieux cette posture particulière visà-vis du monde. Il le décortique, s’attache à étudier le savoir humain et à le ramener à un certain nombre de principes directeurs qui seront les briques de son discours.

Interpréter le monde plutôt que le commenter

Le philosophe apporte une étude critique et réflexive des affaires du monde. Il ne commente pas l’actualité mais l’interprète. En questionnant constamment l’origine de ses connaissances, de celles des autres, les principes de la certitude. Il cherche à pénétrer « dans la raison des faits sur lesquels porte l’édifice des sciences positives. » Il s’abreuve des travaux et des progrès des sciences humaines et des sciences dites « dures » pour s’ancrer à son temps. Pour toutes ces raisons, le philosophe a un rôle social de premier plan à jouer : éclairer de son regard la politique. Cet éclairage n’est en réalité par une mission de guetteur ou un rôle de conseil, voire de commentateur. Car l’objectif in fine, c’est que le politique soit le premier des philosophes. C’est en filigrane l’essence de cet ouvrage, longuement maturé dans l’observation au quotidien du travail politique et par l’étude de la philosophie politique. Modeste contribution pour rappeler l’espoir que le philosophe Platon a légué à l’humanité. Celui du rêve d’un habitus du politique, d’un comportement idéal comme le nomme Michel Onfray. Pour que nos hommes politiques, ceux qui ont une « vision de l’Histoire », supplantent les politiciens, qui n’ont pour objectif que d’arriver aux responsabilités et une fois arrivés, de s’y maintenir.

Retrouvez ici sur le site de la FNAC les ouvrages de l'auteur Karim Bouhassoun dont son dernier essai "Soyons philosophes" paru en 2021 chez l'Harmattan.