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Développer la société plutôt que la gérer ?

La fin ultime de l’exercice du pouvoir, sa responsabilité, c’est la paix et la prospérité. Cette noble cause lui confère un devoir de domination sur les autres champs de la vie, domination qu’elle doit assumer. La politique ne peut pas être un simple invité à la table de l’influence. Tout comme il ne peut pas y avoir de pensée politique sans philosophie politique de la domination et de la gouvernance. L’anthropologie nous permet de comprendre les sources de la division politique, et d’appréhender le pouvoir comme relation, car il n’y a de pouvoir que s’il existe une chance d’être obéi par d’autres. Pas de politique sans philosophie politique. Pas de pouvoir sans ordre. Comme l’écrit Raymond Aron, la théorie « sous couleur de s’opposer à toute philosophie, pose une certaine philosophie. Elle pose une philosophie de non-sens au lieu de poser une philosophie du sens, elle pose que le sens de la politique c’est la lutte et non pas la recherche d’une autorité justifiée. » Il précise encore que « la négation du sens n’est pas plus objectivement ou scientifiquement démontrée que l’affirmation. Décréter que l’homme est une passion inutile n’est pas moins philosophique que prêter à l’existence humaine une signification[1]. »


Le souverain doit s’imposer, donner le rythme et le sens du monde et agir pour réguler. En prenant en compte l’état du corps social et en composant dans le dialogue ou par la contrainte. La politique n’est pas une option de vie parmi d’autres. C’est la fonction sociale par excellence. Il est souhaitable que, comme la nature, elle ait horreur du vide. Elle n’est pas une simple « fonction organique » parmi d’autres, car c’est à la fois chaque organe pris séparément et l’ensemble du corps social. Ce n’est pas une spécialité mais un art total, social.





Le philosophe dit au politique qu’il doit imposer le cours des choses aux autres domaines que sont l’économie, la chose militaire, la science ou la technique, en s’entourant d’experts dans leurs domaines. Car ce sont les territoires de rapports de force ou le travail, les armes, les idées ne s’organisent pas spontanément mais où ils sont aussi complexes que graves. La politique doit imposer son agenda. Si elle est fébrile ou incertaine, si elle se compromet pour le maintien de telle ou telle personnalité, parti ou clan, elle se vide de sa substance et ouvre la porte aux conflits et à la misère. Elle ne peut pas s’occuper de la survie d’un camp politique contre un autre coute que coute au détriment de ses forces et de sa lucidité, et prétendre gérer dans le même temps le développement des territoires, combattre le chômage, réduire les inégalités, transformer la démographie et la géographie en atouts. Elle doit être entièrement disponible pour développer une société plutôt que la gérer, en somme.

[1] Aron, Raymond, Démocratie et totalitarisme, Paris, Folio Essais, 1987.


Retrouvez ici le blog de Karim Bouhassoun sur le site de Mediapart

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