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Comment penser le fascisme ?

Les démocraties sont des champs d'expression aussi pour les extrêmes. La garantie de l'expression de la pluralité des points de vue offre malheureusement aux idées racistes, xénophobes et violentes un champ de développement. C'est ce qui rend difficile l'abordage théorique du populisme dont les sursauts et les convulsions menacent, encore une fois, l’Europe et d’autres continents.

 

Bis repetita


Car nous vivons une période où l’on constate des similarités avec la montée des totalitarismes dans l’Europe de l’entre-deux-guerres. Les mouvements politiques qui ont décidé de flatter les bas instincts des électeurs et qui réussissent dans les urnes germent sur le terreau de l’échec de la démocratie libérale. Sur l’humus des masses victimes des crises économiques et des nationalistes les plus violents et les plus aigris.

Des failles dans le concert européen se sont fait jour avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne alors que les crises internationales se multiplient avec les guerres, en Europe et au Proche-Orient, en matière de sécurité, de migrations, d’économie, de finance, de sécurité sanitaire comme avec la pandémie de covid-19.

 

© Getty - Philippe Clément / Arterra
© Getty - Philippe Clément / Arterra

Alors, dans la démocratie ou hors de la démocratie ?


L’idéologie qui se nourrit de l’identité, de la xénophobie, puise sa source dans l’accusation de l’immigration et de la figure de l’étranger. C’est le choix du repli sur soi, de l’europhobie et des réflexes sécuritaires ainsi que l’accusation des élites. Difficile de débattre avec ces arguments fatalistes. Cette idéologie de l’identité se veut à la fois à part et hors du champ politique classique dont elle conteste le fond et la forme, c’est-à-dire exceptionnelle donc irréfutable. Elle réfute la nécessaire confrontation des idéologies dans le dialogue politique. Classiquement la politique, en démocratie, c’est la remise en cause constante et l’enrichissement du « monde commun »[1] dont parle la philosophe Hannah Arendt dans « La condition de l’homme moderne. » Ce monde que l’on découvre à sa naissance et que l’on laisse à sa mort, que l’on transcende par des œuvres qui réalisent notre condition d’Homme. A contrario, le populisme, voie royale pour le fascisme, c’est l’assèchement de l’individualité, la sclérose de l’idée et la mort de la politique en tant que telle.

 

La rationalité du populisme est l’étape d’avant le fascisme


Oui, on peut considérer que le populisme et l’extrême droite sont les deux faces d’une même idéologie. Mais on doit leur nier la potentialité de passer d’une vision du monde au statut de valeur qui pourrait prendre corps dans des règles de droit et donc faire référence dans nos démocraties. Car le populisme d’extrême-droite demande à prendre la place d’une idéologie immuable qui aurait été bâillonnée par les élites. Une idéologie qui ne s’accommodera pas du dialogue dans la recherche du vrai et du bien. Mais qui recherche à s’imposer comme la vérité non contestable. La rationalité du populisme est l’étape d’avant le fascisme. Elle le nourrit jusqu’à maturité, jusqu’au stade de la rationalité instrumentale. Une rationalité qui promet la libération du peuple silencieux, pourtant lui-même angoissé par sa propre liberté. Les théoriciens de l’école de Francfort comme Benjamin Adorno, Wilhelm Reich, Herbert Marcuse et Erich Fromm l’ont bien démontré : les fascismes profitent de la peur des individus face à leur propre liberté qui est un don ambigu car l’Homme est angoissé lorsqu’il est jeté hors de ses repères. Les angoisses du vide et de la solitude entraînent les individus dans un rapport sadomasochiste avec l’autorité. L’attraction en direction de l’extrême-droite traduit un désir de soumission à un pouvoir au détriment de sa propre autonomie car on recherchera toujours la chaleur de la communauté à la froideur de l’isolement. L’écho positif que rencontrent les discours populistes et racistes résulte d’un assemblage d’individualités angoissées. Faussement rassemblées car manipulées individuellement, ces discours prennent l’habit du consensus démocratique, mais en réalité, elles le corrompent.

 


[1] Arendt (Hannah), La condition de l’homme moderne, Agora, collection Pocket, Paris, 1999.


Retrouvez ici le Blog de Karim Bouhassoun sur le site de Médiapart.

 
 
 

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